Diplômé d’une école d’ingénieur lyonnaise, Audric multiplie les expériences : recherche publique, grand groupe, spécialisation dans les nanotechnologies… Sans parvenir à trouver sa place.

” Quelque part j’ai eu de la chance parce que j’ai senti vite qu’il y avait un problème.”

Après un Master en école de commerce, son désir d’entreprendre se précise sans toutefois se matérialiser dans un projet concret.

” Ce truc de dire : c’est un mec sous sa douche, il a une idée et il est devenu millionnaire grâce à cette idée, qu’on m’en présente un ! Je fais partie de pas mal de trucs, d’associations, de conférences d’entrepreneurs… Moi, j’en ai jamais vu. En fait on n’a pas d’idée révolutionnaire. Ca se fait petit à petit. “

Il obtient finalement un très bon stage au sein du département “capital risque” du Crédit Mutuel CIC, où il est confronté à des projets innovants en besoin de financement.

“On m’a proposé un poste à la fin. J’ai dit non. Personne ne comprend. Mes potes, mes parents, personne ne comprend. Et pourtant moi je savais que c’était pas possible, c’était le burn out assuré. Et donc je me suis barré, sans rien, sans savoir ce que je voulais faire. Après avoir eu un diplôme d’ingénieur et un diplôme d’école de commerce, aucune spécialisation particulière, avoir bossé dans 5 trucs différents sans qu’aucun m’ait plus.”

C’est le début de la traversée du désert… Une période d’un an et demi pendant laquelle Audric cherche sa voie.

“J’ai passé un peu plus d’un an chez moi à me demander ce que j’allais faire. C’était dur. T’as pas de sous. J’étais au RSA. Mes potes commençaient à gagner leur vie depuis 2-3 ans. Tu sors plus, tu vois moins tes potes parce que tu ne peux plus payer tes coups, etc. Et en même temps tu t’y accroches. Moi j’avais un PEL et j’ai décidé de le craquer pour passer cette période et pouvoir lancer mon projet. Au pire je me disais que si ça ne marchait pas, je m’achèterai une caravane et j’irai vivre chez mes grands-parents… Non, mais vraiment, t’en es là !”

Finalement, c’est en ressortant une vieille idée un peu farfelue que le déclic s’opère. Un bar. Il va ouvrir son bar.

“J’ai réalisé que je commençais vraiment à tourner en rond, qu’il me fallait quelque chose. Et en fait depuis très longtemps, dans ma tête j’avais ce projet, un peu en rigolant, je me disais que si un jour je faisais un burn out ou si un jour je manquais d’idée et bien, je monterais un bar. Et la même semaine, trois personnes différentes m’en ont parlé, m’ont un peu poussé à le faire.”

En quelques mois, tout se concrétise. Un local dans le 6ème arrondissement de Lyon. Une bonne option de financement. Un concept original. Et voilà, le “Wild Krona” est né.

“J’avais réfléchis à un concept qui coûtait pas trop cher. Pour que l’on puisse faire les travaux nous-mêmes et ouvrir vite. Donc 3 mois de travaux, que j’ai fait moi-même… Ca c’était une mauvaise idée. J’ai perdu 17 kg… Quand on a ouvert en septembre, j’étais crevé, j’avais plus d’énergie pour l’ouverture. On avait pas d’argent pour faire de la promotion. J’avais 380€ sur mon compte. Et on a eu trois mois difficiles… On avait les anciens clients du restaurant qui venaient et qui n’étaient pas contents parce que nous on ne faisait presque pas de restauration. Il y a des jours où tu passes la journée dans le bar, tu as fait les livraisons, t’as fait le ménage, et t’as servi trois bières… Après avoir pas été bien parce que t’avais pas de projet, là t’es pas bien parce que t’as pas d’argent. T’es de nouveau pas bien. ” 

Petit à petit, le concept prend et au bout de six mois, c’est un véritable succès. Audric doit même employer une personne à plein temps et quelques extras. Les clients sont contents, ils reviennent. Le chiffre d’affaire est multiplié par 4,9 en moins de deux ans. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

“Là t’es content, tu te dis : ça y est c’est parti ! Et en fait tu te prends une troisième vague dans la tête, t’as d’autres problèmes : il faut que tu bosses, il faut que tu trouves du monde, il faut que tu augmentes tes commandes, il faut que tu aies le BFR (Besoin en Fonds de Roulement) pour augmenter tes commandes, il faut améliorer la carte, il faut faire des soirées, trouver des DJs, les payer à l’avance, etc. Et je me suis retrouvé débordé. J’étais crevé et tout s’est fait beaucoup trop vite. Même quand ça marchait, je ne suis pas arrivé à lever le pied. J’avais pas prévu que ça allait marcher aussi bien, aussi vite. Et là t’as toute la fatigue qui s’accumule, fatigue mentale, fatigue physique, stress, et t’as plus de réserve… “.

Signe du destin ? Le 15 janvier 2017, des repreneurs font une offre à Audric pour acheter le bar. Il la refuse dans un premier temps, puis fait une contre-proposition. A sa grande surprise, elle est acceptée. La décision est prise, le Wild Krona sera donc vendu.

“Donc, voilà, j’ai eu une société pendant 2,5 ans. C’était trop cool. C’était très fatiguant aussi. J’ai perdu une grande partie de mes potes. Parce que t’as plus la même vie, pas le même rythme, parfois pour une question d’idéologie… Si on m’avait dit toutes les galères qu’il y aurait avec le pub, je ne l’aurais jamais fait. Mais je ne regrette pas du tout. Tu changes vite, en fait. Aujourd’hui je ne suis plus la même personne que j’étais avant le pub. D’ouvrir ta boîte, t’exploses, tu découvres tout, tes limites physiques, mentales, est-ce que t’es prêt à hurler sur des gens ? Moi j’ai dû virer quelqu’un et j’ai pas dormi de la nuit pendant 3 jours avant ça. Tu découvres ce que tu vaux, quelles sont tes faiblesses, si t’es bon commercial, etc”.

Et maintenant ? Audric prend le temps de digérer son expérience mais il ne restera pas inactif très longtemps… Comme il le dit lui-même, il a décidé qu’il ne serai plus jamais salarié d’une entreprise. Il n’a donc plus le choix, il devra trouver un nouveau projet.