Née à Lyon, Mathilde a fait toute sa scolarité dans l’Est Lyonnais, jusqu’à intégrer un lycée du 6ème arrondissement de Lyon : 
“Au lycée, j’ai voulu apprendre une nouvelle langue.. j’hésitais entre l’arabe et chinois, et finalement mon attrait pour l’Asie l’a emporté. Je suis donc arrivée dans un quartier huppé, ça changeait un peu de milieu. C’est un peu grâce à ça que j’ai décidé de tenter le concours de Sciences Po. Là-bas les professeurs te montrent plus facilement le chemin vers une grande école que quand tu es dans un lycée de banlieue. J’ai obtenu le concours de Lyon et Grenoble, et j’ai décidé d’intégrer l’IEP de Lyon. J’ai fait le Diplôme Universitaire sur l’Asie, et en troisième année je suis partie en échange à Taiwan. En Master je me suis tournée vers les organisations internationales et les ONG, sur des questions de développement d’actions humanitaires. J’ai fait ensuite un stage à l’ONU, à l’OIT (Organisation Internationale du Travail) à Bangkok auprès de la directrice générale adjointe du bureau régional pour l’Asie Pacifique”
Après son stage, Mathilde se voit proposer des missions de consulting sur les questions de genre dans le monde du travail, toujours à l’OIT.
“Au début il y a un côté grisant de travailler là-bas : c’est l’ONU, c’est impressionnant de rentrer dans le système.. mais bon. J’étais dans un grand bâtiment, derrière un bureau, un ordinateur, des réunions, presque le tailleur tous les jours (rires). J’ai commencé à me demander si c’était vraiment fait pour moi. Puis je suis rentrée en France, tout en continuant à être consultante pour eux, mais à distance, en étant freelance, j’avais un statut entre deux. Ca devenait pesant.”
Pour des raisons personnelles, Mathilde quitte Paris ainsi que ses missions de consulting auprès de l’OIT et s’installe au Sénégal. 
“Avant d’arriver là-bas, j’ai trouvé un boulot de manager d’un festival de percussions et danse sénégalaise (le Sabar). Je devais trouver les fonds, j’étais en charge de la logistique du festival. J’ai fait ça pendant 2/3 mois puis le festival s’est arrêté. Passionnée de musique, j’ai ensuite donné des cours d’éveil musical pour des enfants pendant quelques temps. Puis j’ai voulu chercher un job plus sérieux, dans les ONG, la gestion de projet, ce que j’avais étudié. 
J’ai trouvé un stage chez une ONG française de solidarité internationale. Même si j’étais en Afrique, il n’y avait finalement pas beaucoup de terrain, j’étais dans un bureau à bosser sur word et excel et je devais ramener de l’argent. Intéressant, mais à partir de ce moment-là je me suis réellement posée des questions sur ma posture au travail. Je me levais chaque matin, j’allais au bureau, assise sur une chaise, derrière une table. Je n’arrivais plus à trouver du sens à cela.”
Cette parenthèse sénégalaise dure un an. En rentrant à Paris, Mathilde se voit alors proposer un travail au siège de cette même ONG :
“J’étais assistante du président et du directeur général délégué. Donc c’était assez intense, mon boulot c’était de ramener de l’argent. J’ai bossé là bas de janvier 2015 à mai 2016 et là, j’ai fait une espèce de petit burn-out. J’avais beaucoup de travail, de pression. J’avais l’impression que ma vie était une to-do list, ça n’allait plus. J’ai eu du mal à l’accepter au début, mais on m’a mise en arrêt de travail. J’avais l’impression qu’il m’était impossible de m’arrêter, que tout allait s’écroulait si je n’y allais pas. Ce qui n’était pas vrai, mais dans ces moments là on pense à ça. Une fois en arrêt, j’ai commencé à réaliser qu’il fallait que je prenne une décision. 
Pour la petite histoire, mes grands parents maternels étaient agriculteurs apiculteurs et tous les étés, toutes les vacances j’étais chez eux, on faisait les marchés, vendait le miel. Et depuis toujours je disais en mode blague “un jour je serai fromagère; j’aurai mes chèvres, je ferai mes fromages.”
Quand j’ai fait mon burn-out, mon entourage m’a vu changer, me renfermer sur moi-même, devenir une autre personne et m’a demandé pourquoi je ne suivrais pas cette idée…de devenir fromagère.  Pendant cette période j’ai lu pas mal de témoignages de gens dans cette situation et je me suis dit que je n’étais pas toute seule à me poser ces questions. Dans la boîte quand je regardais au dessus moi, je me disais que je n’avais pas envie d’avoir la vie de ces personnes-là. Donc pourquoi rester? Je ne voulais plus de cette posture au travail, assise derrière un bureau, avec cette pression. 
Mon petit frère Louis est cuisinier, il m’a pas mal inspiré avec son parcours : lui a fait un BEP puis Bac Pro cuisine juste après le collège puis a travaillé en France, chez Ducasse à Londres, à Bora bora. J’ai donc décidé de sauter le pas et de me concentrer sur cette histoire de fromage.”
En se renseignant, Mathilde trouve une formation à l’IFOPCA (Institut de Formation et de Promotion des Commerces de l’Alimentation), financée par des entreprises, qui lui permettait d’obtenir un CQP (certificat de qualification professionnelle) dans le secteur qui lui plaisait : la fromagerie. 
“Cette formation c’est un an, 500h de cours, j’avais trois jours à l’école une semaine sur deux. Et le reste du temps à la fromagerie.
J’ai pris le temps de faire le tour des fromageries à Paris et j’ai trouvé la fromagerie Goncourt : j’avais lu le témoignage d’une fille qui bossait là-bas et qui était elle aussi en reconversion. De plus, le directeur, Clément était aussi dans cette situation : après une école de commerce, il avait bossé à Londres dans une banque et finalement s’était reconverti pour monter son projet; il a fait un tour de France des fromageries à vélo et ensuite a monté sa fromagerie. J’ai rencontré Clément, et dans certains moments, tout s’aligne, il y a des petits signes qui te font dire que tu vas dans la bonne direction. Ils m’ont proposé un contrat pour que je puisse intégrer la formation. J’ai alors pu mettre les choses en marche pour quitter mon poste. A ce moment-là, je me suis sentie libérée, plus légère que jamais parce que je savais que j’allais partir.” 
Après un été à se reposer, mais également à faire des fromages de chèvre en Isère dans une ferme biologique, Mathilde commence sa formation en septembre 2016 partageant son temps entre la fromagerie Goncourt et l’école. 
“Ce sont des métiers très fatigants. J’étais en vente, tu sers les clients toute la journée, tu coupes les fromages, tu fais la livraison..c’était assez physique, je rentrais chez moi à 21h30. Mais c’était un autre type de fatigue: ce n’était plus la fatigue morale du bureau mais une fatigue physique… mais au moins tu sais d’où ça vient. La formation c’était génial, ça m’a beaucoup plu, on avait des cours sur l’élevage, la microbiologie, les accords avec les vins, champagnes, bières, l’hygiène, notions de vente etc. J’ai adoré accumuler du savoir sur ce produit qui me passionnait. Puis, je me suis découverte une passion pour le commerce, pour l’entreprenariat. A vrai dire, mes deux parents sont fonctionnaires, donc je n’avais pas du tout cette notion de business. J’ai découvert que ça me plaisait beaucoup. Au final, j’ai rencontré pleins de personnes qui étaient dans la même situation que moi : dans ma classe ça allait de 18 ans à 55 ans. Puis à la fromagerie on était tous les 4 en reconversion. J’étais entourée de personnes qui me comprenaient. J’ai fait ça de septembre 2016 à juin 2017, puis je suis passée en CDI à la fromagerie. 
A l’occasion d’un voyage à San Francisco durant l’été 2017, Mathilde rencontre plusieurs personnes travaillant dans le secteur du fromage, dont un groupe de français à la tête du projet “La fromagerie”. 
“Ils ont deux fromageries, bientôt 3. Le feeling est super bien passé et ils m’ont proposé un job. J’ai décidé de les rejoindre en janvier 2018 après que la grosse période des fêtes en France soit passée. Je suis arrivée là-bas le 12 janvier et j’ai commencé à travailler. Je dois avouer que cette reconversion m’a permis de trouver plus facilement du boulot là-bas que si j’étais restée consultante. 
Là où je travaille, c’est un business à la française mais adapté à la culture américaine. On fait surtout de la vente de sandwich avec des produits français : de la charcuterie, du fromage et on a un petit corner fromage. Là je travaille de 6h à 14h. Je me lève à 5h du mat. C’est vrai que ça a pas mal de contraintes, mais c’est un métier que j’ai choisi de faire. Contrairement en France j’ai de la chance de ne pas travailler le weekend. Et l’avantage c’est que lorsque je finis ma journée de travail, je déconnecte complètement, pas de stress, de pression contrairement à avant. Finir à 14h, ça me laisse le temps de faire des choses que j’aime… J’ai commencé des cours de piano, j’ai le temps de réfléchir à ce que je veux faire. Un jour j’aimerais monter moi aussi mon business, investir pour monter mon projet, pour mettre en pratique ce que j’ai appris à l’école et me réaliser dans ce que j’aime. Mais en tout cas je ne regrette rien”.